samedi 14 octobre 2017

Namenlosen, heimatlosen: "je promène le vieux" Henri Michaux.

Au début, à nouveau.
Tout ce qui a été perdu, noms, pays, papiers.
Tout ce qui est perdu depuis le début.
On dit: cessez donc de ressasser du vieux.
De promener la vieillerie.
Mais.
Partout aux murs de vieux mots.
Dans les bouches aussi.

Je retournerai dans un lieu ancien. Près de la mer.
Je ne suivrai pas la ligne effacée des pas de W.B.
Mais.
Nous serons l'un derrière l'autre dans la carrer del Mar.
À Port-Bou.
Comme partout je marcherai derrière des fantômes.
Avec sur l'épaule un souvenir de petit singe joyeux.
Malicieux.

Beaucoup plus loin regardera l'Angelus Novus. Exactement vers Jérusalem.
Regard vers l'est, toujours.
Me rappelant les lectures de Scholem faites à Marseille.
Et tout à coup un nom et un appartement, rue Crudère reviennent en mémoire.
À cause du nom qui est en fait aussi un prénom, Benjamin.
Un prénom juif, disait ma mère. Son ami s'appelait Benjamin B.
Une inversion et hop, vous disparaissez.
Votre nom de Benjamin devenu un prénom, et votre prénom devenu un nom:
c'est ce fameux retard, un jour de plus ou de moins, qui fait de vous un namenlos.
L'appartement de Benjamin B. à Marseille était un vrai foutoir.
Empilement de journaux, mémoires à conserver, temps retrouvé de la peur?
L'ami de ma mère avait peur de la guerre. Il l'avait connue. La peur, la guerre.
À Marseille?

Il s'agissait de "vaincre le capitalisme par la marche à pied".
Traverser les Pyrénées.
Es-ce qu'on peut vaincre le nazisme par la marche à pied?
Conserver en toutes circonstances un demi-pied de retard.
En fait d'avance.

Rappel: Entre 1939 et 1945, 225 camps d'internement en France.
Je rappelle celui de Douadic en Brenne.
Rivesaltes, Le Vernet et d'autres.
Où en est-il question?
Namenlosen, heimatlosen.

Ici, à Brême, tout en haut de la maison où je suis hébergée, en silence, je lis et relis le nom de Walter B. dans les livres que j'ai apportés avec moi. Ce nom entoure le petit appartement haut perché dans le ciel, me rappelant que tout se poursuit et qu'ailleurs des humains cherchent une route et un endroit où déposer leur fatigue. 
Sans bagages ou presque pas. 
L'un d'entre eux traîne après lui une valise noire pleine de vent. 
De sable, d'oubli. 
Un feu.





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