vendredi 6 octobre 2017

De nos jours l'humanité est si cultivée qu'on ne trouvera plus la chose spécialement curieuse...

On me dit.
Tu me dis.
Voix du téléphone.
Qui raconte l'histoire des roses.
Et sur le rosier tordu, trois roses écloses.
Malgré.

Malgré le mistral.
Malgré l'animosité du monde.
Catastrophe des roses.
Industrie des fleurs coupées net.
Malgré.


Voix du lointain, voix des jardins et du nouveau, de l'ancien et du moderne.
Choses qu'on aimerait écrire ici. Malgré.
La grammaire lancinante des pronoms inverse le verbe.
Sous la cendre, la vie repousse.
J'ai appris de ta voix une chose sur les roses.
On, je, il, elle, tu.
On se tue à nous expliquer le monde.
On est désarçonné. On. Tombe de haut.
Au pied des rosiers.
Piqué de plein fouet!

En tranchant net la tige, on voit si la rose sent bon ou pas.
Si sa tige est droite, sûr qu'elle ne sentira rien.
Ne sera pas émue, la rose, par le coup.
Cuisse de nymphe émue, m'avait donné le nom, l'amie morte depuis.
Si sa tige ondule, elle odorera la main qui l'a tuée.
C'est ce que j'apprends de Denise, la savante jardinière.
J'ai écrit (et entendu) odorer, ni adorer, ni honorer.
Un autre verbe pour les roses de mon amie.



Ensuite. Plus tard. Et si j'essayais tout de même d'aller écrire au café qui va fermer?
Aussi ouvrir chaque matin le livre de Walser qui est à côté de ton lit et noter quelques lignes en guise de prière du matin. Par exemple cet étrange récit lu aujourd'hui.
L'histoire d'Helbling. Tu as commencé à lire.
"De nos jours l'humanité est si cultivée qu'on ne trouvera plus la chose spécialement curieuse qu'un homme comme moi se mette à sa table pour noircir du papier avec sa propre histoire. Elle est courte, mon histoire, car je suis encore jeune..."
Femme, as-tu rectifié, déjà vieillissante, as-tu ajouté.
Et tu t'es arrêtée un peu plus loin.
"Peut-être ai-je raté ma vocation, pourtant je crois très fermement qu'il en irait de même avec chaque métier, que je ne procéderais guère autrement, allant à ma perte."
Y allant, oui, presque en courant, joyeusement.
Retourner au café, même si café de village, ce sera lieu d'écriture.
Idiote. Toujours. Tu n'as pas d'auto. Tu pourrais y aller à pied.
Trop loin. Lumière de vent revenue. Froides rafales.
Rien à voir avec route suisse de La Sarraz.
De Romainmôtier ou de Corcelles-le-Jorat.
Et puis route solitaire à tant marcher pour rien au monde.
Bordée d'autos rapides et de vent.

Alors j'ai couru voir plus proche.
Les roses de mon jardin pour leur raconter.
Leur demander aussi. Que savent-elles du métier?
Tiges roucoulantes et épineuses aux doigts, que sentez-vous?
Toutes ont répondu qu'elles odoraient plus fort le soir que le matin.
En ce moment. Avant mon départ pour les pays du Nord.
Et qu'elles se préparent au froid, au vent glacé, à mon retour.
Dans l'escalier de la tour le vent hurle sa chanson mauvaise.

Disaster. Des asters dans les fossés.
Catastrophe des roses et désastre du monde.
On dit ici roubines pour fossés.
Et personne ne nomme les asters.
Fleurs des disparus revenus.
Malgré.
Ombres violettes sous le vent.




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